Il a été l’un des intervenants les plus écoutés du Séminaire de formation des radios évangéliques d’Afrique francophone, du 14 au 18 janvier à Lomé (Togo). Le Camerounais Alphonse Teyabe (prononcer Téyabé) est à la fois pasteur, chercheur et consultant en communication. Auteur du livre « Eglise et média. Contribution des radios évangéliques à la mission », il esquisse ici le rôle que pourrait jouer la centaine de radios évangéliques d’Afrique francophone pour annoncer un Evangile intégral.
Reprise de l’article de Serge Carrel publié le 21 janvier 2019 sur lafree.info
Que faites-vous dans le domaine de la radio au nord du Cameroun ?
Depuis 2003, nous y implantons des radios. Actuellement, il y a une dizaine de stations évangéliques. Cette région est une zone enclavée, où il n’y a pas assez de moyens de communication. Cette zone sous-développée est sous l’influence de l’islam. Dans ce contexte, les radios sont un moyen efficace pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile et apporter une contribution au développement de cette région à travers les différentes émissions que nous diffusons.
A partir de votre expérience au nord du Cameroun, quel est l’impact de ces radios confessionnelles évangéliques ?
Ces radios apportent une contribution réelle sur le plan spirituel, dans l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Le message que nous transmettons va au-delà des barrières culturelles et des frontières géographiques. Parfois, des femmes ne parviennent pas à sortir de chez elles pour des raisons religieuses. Le message les rencontre dans leur maison et elles sont édifiées. Ces femmes sont attachées à ces radios et suivent les différentes émissions qui leur apportent de l’épanouissement pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Il y a donc un apport non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan «politique», soit en lien avec la vie de la cité. Nous aidons effectivement l’Etat dans la gestion de la cité par rapport aux problèmes environnementaux, de santé, d’éducation…
Concrètement ?
En 2010, lors d’une épidémie de choléra, par exemple, le gouvernement s’est approché de nous. Voyant notre audience et l’impact que nous avions sur la population – dans le grand nord du Cameroun, la radio Salaaman fait plus d’audience que la radio d’Etat! – le gouvernement nous a demandé de produire des émissions en lien avec l’épidémie de choléra. Il s’agissait de sensibiliser toutes les couches de la population à cette maladie qui avait commencé à décimer certains villages. Au travers d’émissions spéciales, nous avons fait venir des médecins, des délégués de la santé… En quelques semaines, nous avons pu éradiquer complètement cette maladie de la région.
Diriez-vous que votre radio a été l’instrument no 1 de cette éradication ?
Nous avons contribué à cette éradication, parce que nous y avons mis les moyens. Suite à cela, l’Etat a été obligé de signer un partenariat avec notre radio…
Quand vous dites « obligé », qu’entendez-vous par là ?
Vu le travail que nous faisions sur le terrain et l’impact que nous avions, les représentants de l’Etat n’avaient pas d’autre choix que de passer par nous pour lutter ensemble contre ce fléau. Les gens sont aujourd’hui très sensibilisés à cette question et nous n’avons plus entendu parler de cette maladie. Nous avons continué ce travail dans le domaine de la santé, avec notamment un programme élargi de vaccination contre certaines maladies comme la poliomyélite.
Cette radio confessionnelle a donc bénéficié de fonds de l’Etat pour mener à bien ces campagnes ?
L’Etat a des moyens financiers pour mener à bien de tels programmes. Il a donc investi dans notre radio et contribué ainsi à son financement. On voit également venir d’autres partenaires : des ONG, des maires qui cherchent des appuis pour certaines causes… Dans notre grille de programme, nous avons réservé 30 pour cent du temps à la diffusion d’émissions évangéliques et 70 pour cent à des émissions sociales et de développement. Nous pensons que l’Evangile concerne l’être tout entier : le corps, l’âme et l’esprit. Tous ces aspects doivent être pris en compte. Voilà pourquoi, nous réservons 70 pour cent du temps d’antenne à des programmes de développement : sur l’éducation, la santé, l’agriculture…
Vous essayez aussi de rejoindre les jeunes filles qui quittent précocement l’école… Que faites-vous pour les encourager à poursuivre leur scolarité ?
Nous avons constaté que, dans le grand nord du Cameroun, les filles abandonnent leur scolarité déjà au niveau de l’école primaire, parce que leurs parents les envoient très jeunes en mariage. Cette société privilégie beaucoup plus les garçons que les filles. Plus de 70 pour cent de la population est ainsi analphabète. Il fallait vraiment intervenir et le faire rapidement. Nous avons mis sur pied des émissions pour sensibiliser les parents à ce problème, ainsi que des spots publicitaires. Parfois nous avons envoyé notre personnel sur le terrain rencontrer la population dans les maisons et sensibiliser les parents pour qu’ils envoient les jeunes filles à l’école. Nous avons aussi réalisé des émissions spécifiques d’alphabétisation au niveau des radios.
Quel a été l’impact sur la population ?
Aujourd’hui, nous voyons que davantage de jeunes filles sont scolarisées. Certaines sont même allées à l’université et trouvent de bonnes places de travail. Il y a des filles qui étaient « scotchées » à leur poste de radio. Nous avons donc fait venir des inspecteurs pédagogiques pour compléter les émissions diffusées…
Certaines jeunes filles sont donc derrière leur poste dans leur maison ou dans leur case, et suivent les cours comme à l’école…
Elles suivent ces émissions et, une fois par semaine, nous les regroupons dans un établissement scolaire en partenariat avec cette école pour aller un peu plus loin. Aujourd’hui, on a des filles qui ont passé le CEP, leur BEPC… Il y en a même une qui vient d’avoir son baccalauréat grâce à nos émissions. La mayonnaise a pris et ces émissions touchent même des jeunes filles dans des villages reculés. Cela a un impact réel sur la population et notre objectif est d’apporter notre contribution à la transformation de la société.
Cette répartition entre 30 pour cent d’émissions évangéliques et 70 pour cent d’émissions de développement, est-ce un modèle à suivre par les radios évangéliques d’Afrique francophone ?
A mon sens, il est important que nous partagions notre expérience avec les autres radios d’Afrique francophone. Nous souhaitons inviter tous les acteurs des radios évangéliques francophones à se mettre ensemble et à implémenter ce modèle que nous venons de présenter. Il peut avoir un impact réel dans la population en vue du développement de la cité.
Propos recueillis par Serge Carrel
Bio express d’Alphonse Teyabe
Alphonse Teyabe est pasteur, chercheur et consultant en communication au Cameroun. Il a lancé plusieurs radios dans le nord de ce pays et il accompagne plusieurs radios et TV en Afrique francophone. Alphonse Teyabe a obtenu un doctorat aux Etats-Unis avec une thèse parue sous le titre : « Eglise et média. Contribution des radios évangéliques à la mission » (Maurice, Editions universitaires européennes, 2017, 352 p.).
Il est aussi le secrétaire général des Groupes bibliques des élèves et des étudiants du Cameroun (GBEEC) et de l’Alliance des évangéliques du Cameroun (AEC).
Marié, il est père de 4 enfants.
Dodji Juliette Kpessou reçoit le Prix d’encouragement François Sergy
Médias chrétiens en Afrique francophoneA l’occasion du Séminaire de formation des radios chrétiennes de l’Afrique francophone, les organisateurs ont décidé d’octroyer à Dodji Juliette Kpessou, journaliste et animatrice à Radio Hosanna à Porto-Novo, le Prix d’encouragement François Sergy pour la réalisation de 50 capsules audio intitulées « L’O2Vie, une goutte chaque jour ».
« Ces réalisations de Dodji Juliette Kpessou témoignent de ce que nous souhaitons promouvoir : l’échange d’émissions entre radios chrétiennes d’Afrique francophone », a expliqué Emmanuel Ziehli, directeur de Radio Réveil.
Le Prix d’encouragement François Sergy a été lancé dans le cadre des semaines de Lomé pour la formation des acteurs des médias chrétiens de l’Afrique francophone. Il vise à récompenser les initiatives qui favorisent les échanges entre radios. Ce prix d’encouragement porte le nom du journaliste de Radio Réveil François Sergy, décédé en 2018.
Ecouter « L’O2Vie, une goutte chaque jour » sur RADIO R
les radios chrétiennes d’Afrique francophone se constituent en réseau
Afrique francophonePour donner une forme représentative à leurs relations, les radios chrétiennes d’Afrique francophone se sont constituées en réseau. Une quarantaine de radios sont d’ores et déjà engagées dans ce projet qui vise à encourager la collaboration et le partage de ressources professionnelles. Cette décision a été prise dans le cadre de Lomé 2, le deuxième Séminaire de formation des radios chrétiennes de l’Afrique francophone, qui s’est tenu du 25 au 29 novembre dans la capitale togolaise.
Le vendredi 29 novembre, les quelque 170 représentants des radios confessionnelles rassemblés à Lomé pour un deuxième Séminaire de formation aux techniques journalistiques et radiophoniques ont décidé de lancer un réseau de radios. Avec pour objectif : des relations de proximité entre radios d’une même région ou d’une même ville, l’échange d’émissions, l’entraide dans le domaine technique et le développement d’une agence de presse à même de relayer des nouvelles concernant le mouvement chrétien et évangélique de l’Afrique francophone. Tout cela dans l’esprit de la Déclaration de Lomé, signée le 18 janvier 2019.
Lire la suite du communiqué de presse
170 acteurs des médias confessionnels de l’Afrique francophone se forment à la « radio intégrale » à Lomé
Afrique francophoneEn Afrique francophone, la radio est le média par excellence. Pendant une semaine, quelque 170 représentants des radios confessionnelles se retrouvent à Lomé au Togo pour une nouvelle semaine de formation. Organisée conjointement par l’association Radio Réveil à Bevaix et par Radio Ebène et développement en France, cette semaine vise à développer la qualité des radios chrétiennes en Afrique.
Lundi 25 novembre, plus de 170 représentants de 72 radios confessionnelles de l’Afrique francophone se sont retrouvés à Lomé au Togo pour une semaine de formation autour du thème « Inventons la radio intégrale ». Dans la séance d’ouverture, le ministre de la communication, Folly-Bazi Katari, s’est réjoui du fait que ce séminaire visait à « promouvoir l’excellence au niveau des médias chrétiens ». Il a aussi considéré que « ce séminaire arrivait à point nommé pour relever les grands défis que sont l’intégration des nouvelles techniques de l’information et de la communication, et pour promouvoir l’éthique et la déontologie ». Le ministre a aussi invité les acteurs des médias confessionnels à « sauvegarder la paix dans nos pays », pour permettre aux musulmans et aux chrétiens de se rendre paisiblement dans leurs lieux de culte le vendredi ou le dimanche.
Lire la suite du communiqué de presse
A Lomé, les radios chrétiennes d’Afrique francophone priées de se réinventer – Togo Breaking News
Les radios chrétiennes d’Afrique aguerries pour être intégrales – Togo Breaking News
Interview d’Emmanuel Ziehli, directeur de Radio Réveil
O2vie, une parole depuis l’Afrique
Afrique francophoneLa réalisatrice d’O2vie, Dodji Juliette Kpessou est journaliste-écrivain, animatrice, bloggeuse et youtubeuse. Elle vit avec son mari à Porto Novo, capitale de la République du Bénin. Interview.
Juliette, quelle est votre mission sur les ondes ?
Depuis août 2013, j’apporte l’Evangile à tout homme à travers les ondes de la radio Hosanna, un média de l’Eglise Protestante Méthodiste du Bénin. Chargée de la section Animation, je présente aussi les bulletins d’information.
Comment avez-vous découvert Radio Réveil ?
C’était en janvier 2019 à cette fabuleuse formation des acteurs de radios chrétiennes de l’Afrique francophone à Lomé au Togo; un melting pot d’expériences où j’ai eu le plaisir de rencontrer Emmanuel Ziehli, directeur de Radio Réveil.
Comment et pourquoi avez-vous créé la chronique O2vie ?
L’O2vie c’est une capsule de motivation basée sur la parole de Dieu. A la base c’était une chronique écrite que je postais sur les réseaux sociaux et mon blog. Là, s’ouvre l’aventure audio avec Radio Réveil et ma chaîne YouTube. L’eau de vie, une goutte chaque jour à la source intarissable de Dieu. C’est une manière pour moi d’apporter la Bonne Nouvelle avec les couleurs de l’Afrique.
Vous avez souhaité une introduction à cette chronique sur un ton bien particulier.
La Radio, c’est la voix; et l’Afrique, c’est la puissance de la voix, de la parole. Le ton est choisi à dessein car il rappelle le vieux sage au clair de lune qui déclame un conte. C’est un signe du mystère de l’Afrique, une voix qui invite au voyage de la vie. C’est ce qu’on appelle en cinéma the Voice of God.
Un mot pour les auditeurs
Nous sommes Un dans un lien d’amour. Dieu vous aime et je vous aime aussi. Voici mes trois goals de tous les jours : soyez vous, soyez vrai et croyez en Dieu.
La chronique O2vie est diffusée sur RADIO R chaque samedi à 6h, 9h, 13h et 17h et dimanche à 13h et 17h. Retrouvez tous les podcasts ici.
Inventons la radio intégrale
Afrique francophoneLa prochaine édition du Séminaire de Formation des Radios Chrétiennes de l’Afrique Francophone aura lieu du 25 au 29 novembre 2019 à Lomé.
Durant cinq jours, Serge Carrel – journaliste, Blaise Gaïtou – directeur JEM au Niger, Emmanuel Ziehli – directeur de Radio Réveil, Jean Elchinger – informaticien, Alphonse Teyabe – chercheur-enseignant au Cameroun, Franck Jeanneret – pasteur, Christian Gaspoz – spécialiste FM, Andrea Luzi – technicien du son, Paolo Jean Bedogni – médecin et Paul Zagré – missionnaire JEM au Niger aborderont différents thèmes tels que la qualité, la radio intégrale, la radio pour les âmes, l’unité, etc. sous la forme de plénières le matin et d’ateliers pratiques l’après-midi. Voir le programme détaillé.
La formation s’adresse plus particulièrement aux : présidents et directeurs d’antenne, chefs d’antenne, journalistes, responsables techniques, émetteurs, acteurs dans les métiers de la communication, du marketing et de l’Internet, réalisateurs/monteurs.
Pays participants : Bénin – Burkina Faso – Cameroun – Centrafrique – Congo – Côte d’Ivoire – Mali – Niger – Sénégal – Togo
Programme et infos pratiques
Inscription
#lomé2, c’est parti !
Afrique francophoneL’Association Radio Réveil, en partenariat avec le Centre International Chrétien d’Etude, de Recherche et d’Information (CICERI) et Radios Ebène et Développement, a le plaisir d’annoncer la seconde édition du Séminaire de formation des radios chrétiennes de l’Afrique francophone qui aura lieu du 25 au 29 novembre 2019 à Lomé au Togo.
Emmanuel Ziehli, directeur de Radio Réveil, était à Lomé (Togo), ainsi qu’à Cotonou et Porto-Novo (Bénin) au début du mois de juin pour l’organisation de ce second séminaire axé sur les dimensions stratégiques et opérationnelles d’un bon fonctionnement des radios chrétiennes.
Une radio intégrale
Suite au premier séminaire du mois de janvier, principalement consacrée à l’opérationnel, il est apparu urgent de pouvoir s’adresser également aux dirigeants (pasteurs et promoteurs) des radios afin, entre autres, de développer avec eux la vision d’une programmation orientée sur un évangile incarné plutôt que prêché : une forme de radio intégrale qui prend soin du corps de l’âme et de l’esprit.
La vision stratégique se présentera sous la forme de laboratoires d’idées (radio intégrale, prévention des épidémies, relation d’aide, infos pratiques, etc.), d’ateliers de gestion financière selon les principes bibliques et d’une réflexion autour de la création d’une Fédération des Médias Chrétiens Francophones d’Afrique. L’axe opérationnel proposera des ateliers dédiés à la webradio / radio on IP, au journalisme, au son, à la technique (studio), au marketing et bien d’autres encore.
Des orateurs de choix
Lors de ses différentes rencontres, Emmanuel a dévoilé le nom de plusieurs des orateurs attendus :
Le Dr. Alphonse Teyabe de Radio Salaaman au Cameroun,
le Dr. Paul Zagré de JEMED au Niger,
le Dr. Paolo Jean Bedogni de Radios Ebène Développement,
le pasteur Franck Jeanneret et le journaliste Serge Carrel de Suisse.
Le directeur de Radio Réveil est également allé à la rencontre de participants au 1er séminaire pour recueillir leur retour d’expérience. Ecoutez Clément de Radio Providence à Lomé :
et Samuel Atitsio, pasteur et directeur de la Radio La Grâce à Lomé :
Annonce de « Lomé 2 » au micro de Didier Amen de la Radio Hosanna (protestante methodiste) à Porto-Novo, Benin :
Avec la participation de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication du Togo.
Les autorités togolaises saluent l’initiative de la formation radio
Médias chrétiens en Afrique francophoneA Lomé, le séminaire a fait la Une de plusieurs médias, les représentants des autorités togolaises concernées saluant l’initiative de cette formation.
Durant une semaine, Emmanuel Ziehli, directeur de Radio Réveil, Serge Carrel, journaliste et formateur, Andrea Luzi, technicien, Christian Gaspoz de Radio ébène et développement, ainsi que le professeur Alphonse Teyabe ont partagé leurs connaissances avec un public exigeant et passionné. Chaque jour, des ateliers consacrés aux aspects pratiques de la radio et du métier de journaliste alternaient avec des réunions plénières ouvrant le débat sur des questions telles que la contribution des radios évangéliques à la mission ou encore l’éthique journalistique.
Organisée à l’occasion des 70 ans de l’association Radio Réveil, la rencontre a été mise sur pied en partenariat avec le Centre international chrétien d’étude, de recherche et d’information – CICERI de Lomé et l’association Radio ébène et développement en France.
Sur la TVT (Télévision togolaise) à Lomé
Zoom sur les radios évangéliques d’Afrique francophone
Afrique francophoneDepuis 2000, une centaine de radios évangéliques ont vu le jour en Afrique francophone. Alphonse Teyabe milite pour que soit communiqué un Evangile intégral.
Les propos d’Alphonse Teyabe étaient relayés dans la matinale de RADIO R, l’antenne suisse romande de l’association Radio Réveil.
Lire l’article de Serge Carrel paru dans lafree.info
Pour Alphonse Teyabe, «30 % de Jésus» sur les radios évangéliques d’Afrique francophone cela suffit !
Médias chrétiens en Afrique francophoneIl a été l’un des intervenants les plus écoutés du Séminaire de formation des radios évangéliques d’Afrique francophone, du 14 au 18 janvier à Lomé (Togo). Le Camerounais Alphonse Teyabe (prononcer Téyabé) est à la fois pasteur, chercheur et consultant en communication. Auteur du livre « Eglise et média. Contribution des radios évangéliques à la mission », il esquisse ici le rôle que pourrait jouer la centaine de radios évangéliques d’Afrique francophone pour annoncer un Evangile intégral.
Reprise de l’article de Serge Carrel publié le 21 janvier 2019 sur lafree.info
Que faites-vous dans le domaine de la radio au nord du Cameroun ?
Depuis 2003, nous y implantons des radios. Actuellement, il y a une dizaine de stations évangéliques. Cette région est une zone enclavée, où il n’y a pas assez de moyens de communication. Cette zone sous-développée est sous l’influence de l’islam. Dans ce contexte, les radios sont un moyen efficace pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile et apporter une contribution au développement de cette région à travers les différentes émissions que nous diffusons.
A partir de votre expérience au nord du Cameroun, quel est l’impact de ces radios confessionnelles évangéliques ?
Ces radios apportent une contribution réelle sur le plan spirituel, dans l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Le message que nous transmettons va au-delà des barrières culturelles et des frontières géographiques. Parfois, des femmes ne parviennent pas à sortir de chez elles pour des raisons religieuses. Le message les rencontre dans leur maison et elles sont édifiées. Ces femmes sont attachées à ces radios et suivent les différentes émissions qui leur apportent de l’épanouissement pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Il y a donc un apport non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan «politique», soit en lien avec la vie de la cité. Nous aidons effectivement l’Etat dans la gestion de la cité par rapport aux problèmes environnementaux, de santé, d’éducation…
Concrètement ?
En 2010, lors d’une épidémie de choléra, par exemple, le gouvernement s’est approché de nous. Voyant notre audience et l’impact que nous avions sur la population – dans le grand nord du Cameroun, la radio Salaaman fait plus d’audience que la radio d’Etat! – le gouvernement nous a demandé de produire des émissions en lien avec l’épidémie de choléra. Il s’agissait de sensibiliser toutes les couches de la population à cette maladie qui avait commencé à décimer certains villages. Au travers d’émissions spéciales, nous avons fait venir des médecins, des délégués de la santé… En quelques semaines, nous avons pu éradiquer complètement cette maladie de la région.
Diriez-vous que votre radio a été l’instrument no 1 de cette éradication ?
Nous avons contribué à cette éradication, parce que nous y avons mis les moyens. Suite à cela, l’Etat a été obligé de signer un partenariat avec notre radio…
Quand vous dites « obligé », qu’entendez-vous par là ?
Vu le travail que nous faisions sur le terrain et l’impact que nous avions, les représentants de l’Etat n’avaient pas d’autre choix que de passer par nous pour lutter ensemble contre ce fléau. Les gens sont aujourd’hui très sensibilisés à cette question et nous n’avons plus entendu parler de cette maladie. Nous avons continué ce travail dans le domaine de la santé, avec notamment un programme élargi de vaccination contre certaines maladies comme la poliomyélite.
Cette radio confessionnelle a donc bénéficié de fonds de l’Etat pour mener à bien ces campagnes ?
L’Etat a des moyens financiers pour mener à bien de tels programmes. Il a donc investi dans notre radio et contribué ainsi à son financement. On voit également venir d’autres partenaires : des ONG, des maires qui cherchent des appuis pour certaines causes… Dans notre grille de programme, nous avons réservé 30 pour cent du temps à la diffusion d’émissions évangéliques et 70 pour cent à des émissions sociales et de développement. Nous pensons que l’Evangile concerne l’être tout entier : le corps, l’âme et l’esprit. Tous ces aspects doivent être pris en compte. Voilà pourquoi, nous réservons 70 pour cent du temps d’antenne à des programmes de développement : sur l’éducation, la santé, l’agriculture…
Vous essayez aussi de rejoindre les jeunes filles qui quittent précocement l’école… Que faites-vous pour les encourager à poursuivre leur scolarité ?
Nous avons constaté que, dans le grand nord du Cameroun, les filles abandonnent leur scolarité déjà au niveau de l’école primaire, parce que leurs parents les envoient très jeunes en mariage. Cette société privilégie beaucoup plus les garçons que les filles. Plus de 70 pour cent de la population est ainsi analphabète. Il fallait vraiment intervenir et le faire rapidement. Nous avons mis sur pied des émissions pour sensibiliser les parents à ce problème, ainsi que des spots publicitaires. Parfois nous avons envoyé notre personnel sur le terrain rencontrer la population dans les maisons et sensibiliser les parents pour qu’ils envoient les jeunes filles à l’école. Nous avons aussi réalisé des émissions spécifiques d’alphabétisation au niveau des radios.
Quel a été l’impact sur la population ?
Aujourd’hui, nous voyons que davantage de jeunes filles sont scolarisées. Certaines sont même allées à l’université et trouvent de bonnes places de travail. Il y a des filles qui étaient « scotchées » à leur poste de radio. Nous avons donc fait venir des inspecteurs pédagogiques pour compléter les émissions diffusées…
Certaines jeunes filles sont donc derrière leur poste dans leur maison ou dans leur case, et suivent les cours comme à l’école…
Elles suivent ces émissions et, une fois par semaine, nous les regroupons dans un établissement scolaire en partenariat avec cette école pour aller un peu plus loin. Aujourd’hui, on a des filles qui ont passé le CEP, leur BEPC… Il y en a même une qui vient d’avoir son baccalauréat grâce à nos émissions. La mayonnaise a pris et ces émissions touchent même des jeunes filles dans des villages reculés. Cela a un impact réel sur la population et notre objectif est d’apporter notre contribution à la transformation de la société.
Cette répartition entre 30 pour cent d’émissions évangéliques et 70 pour cent d’émissions de développement, est-ce un modèle à suivre par les radios évangéliques d’Afrique francophone ?
A mon sens, il est important que nous partagions notre expérience avec les autres radios d’Afrique francophone. Nous souhaitons inviter tous les acteurs des radios évangéliques francophones à se mettre ensemble et à implémenter ce modèle que nous venons de présenter. Il peut avoir un impact réel dans la population en vue du développement de la cité.
Propos recueillis par Serge Carrel
Bio express d’Alphonse Teyabe
Alphonse Teyabe est pasteur, chercheur et consultant en communication au Cameroun. Il a lancé plusieurs radios dans le nord de ce pays et il accompagne plusieurs radios et TV en Afrique francophone. Alphonse Teyabe a obtenu un doctorat aux Etats-Unis avec une thèse parue sous le titre : « Eglise et média. Contribution des radios évangéliques à la mission » (Maurice, Editions universitaires européennes, 2017, 352 p.).
Il est aussi le secrétaire général des Groupes bibliques des élèves et des étudiants du Cameroun (GBEEC) et de l’Alliance des évangéliques du Cameroun (AEC).
Marié, il est père de 4 enfants.
Quel journalisme évangélique dans l’espace public ?
Médias chrétiens en Afrique francophoneUn engagement au Togo pour la formation des journalistes des radios évangéliques d’Afrique francophone et les 20 ans de l’émission Hautes Fréquences sur RTS La Première, c’est l’occasion pour Serge Carrel de montrer que, dans les deux situations, le journalisme évangélique demande audace et professionnalisme.
Reprise de l' »Opinion » de Serge Carrel publié le 25 janvier 2019 sur lafree.info
Dans notre quotidien, il est des collisions d’expériences qui donnent à réfléchir sur notre pratique. La semaine dernière, j’étais l’un des animateurs du Séminaire de formation des radios évangéliques d’Afrique francophone à Lomé au Togo, un rassemblement de plus d’une centaine de personnes à l’instigation de Radio Réveil à Bevaix (NE). L’occasion de rencontrer des journalistes, des animateurs et des techniciens de la centaine de radios qui se définissent comme évangéliques en Afrique francophone. Dimanche soir dernier, RTS Religion marquait sur les ondes de La Première à 19h les 20 ans de Hautes Fréquences, l’émission-phare de l’équipe des émissions religieuses de la radio de service public.
En Afrique francophone comme en Suisse, quelle présence ?
Dans les deux situations, l’occasion de s’interroger sur la présence dans l’espace public des journalistes évangéliques. En Afrique francophone, les radios confessionnelles évangéliques ont le vent en poupe. Elles font dans leurs programmes une large place à la prédication de l’Evangile, aux reportages concernant les Eglises et à la musique chrétienne. Elles jouent un rôle important à l’intérieur de l’Eglise ou des Eglises, mais aussi dans l’espace public pour encourager l’émergence d’une identité et d’une réflexion communes sur les grandes questions du moment. En Suisse romande, de par l’engagement œcuménique et interreligieux de l’équipe des émissions religieuses et de par la disparition de la légitimité de la voix chrétienne au sein de la société, la posture de RTS Religion flirte davantage avec la sociologie religieuse qu’avec un regard chrétien sur la société. Pour preuve la présence dimanche soir d’un sociologue, Philippe Gonzalez, spécialiste des médias et du religieux, et non d’un théologien chrétien particulièrement affûté sur la manière de positionner la foi chrétienne dans un contexte pluraliste.
Professionnalisme et audace plus que jamais à l’ordre du jour
Dans cette collision d’expériences aux antipodes : une convergence. D’un côté des radios évangéliques africaines qui cherchent à déployer un discours public qui permette de quitter le « tout Eglise » et de rejoindre un maximum d’auditeurs, notamment en limitant « Jésus » à 30 pour cent des programmes et en laissant une place importante aux thématiques de développement, à un Evangile holistique et intégral (voir la Déclaration de Lomé et l’interview d’Alphonse Teyabe). Du côté suisse, des Eglises qui promeuvent – puisque les journalistes sont salariés par les Eglises et les frais de production payés par la RTS – un discours d’analyse du fait religieux à partir de perspectives et de valeurs chrétiennes, un discours légitimé par l’histoire de la Suisse romande et par une société qui cherche à comprendre le religieux, sans développer d’affiliation à une quelconque chapelle.
Dans ces deux contextes bien différents, le journalisme évangélique a sa place. En Afrique francophone comme en Suisse, il demande professionnalisme et audace. Il s’agit de sortir des voies toutes tracées des convictions molles et non articulées, pour chercher et exprimer un regard sur le monde marqué par les valeurs et l’espérance que le Christ fait naître au cœur de nos vies. Dans les deux cas : un véritable « challenge », comme on dit aujourd’hui !
Serge Carrel
Journaliste responsable de lafree.info
Ancien journaliste à Radio Réveil et à l’émission Hautes Fréquences de RTS Religion